Lorsqu'elle vient
au monde, le 19 février 1938, à
Jérusalem dans une famille de
pionniers juifs dont elle est le deuxième enfant,
Israël s'appelle encore la Palestine et, là-bas, en
Europe l'holocauste commence.
Elle ne connaîtra jamais sa
famille maternelle dont tous les membres furent exterminés
à Auschwitz. Shula, sa mère, d'origine polonaise,
aurait voulu devenir médecin. Mais elle avait
été expulsée de la faculté
de médecine dès le commencement des
persécutions contre les juifs. Sportive de haut niveau, elle
était venue en Palestine pour disputer des
compétitions sportives qui s'y déroulaient. C'est
à cette occasion qu'elle fit la connaissance du
père de Rika et décida de rester en Palestine.
Elle ne devait plus jamais revoir les
siens.
Eliezer Gozman, le père de Rika , est issu d'une famille
très pauvre de meuniers russes. Sioniste de la
première heure, il décide, à
l'âge de treize ans, de quitter la Russie et sa famille et il
part, à pied, vers la terre promise. Il l'atteint huit mois
plus tard. Il ne parle que le yiddish; il travaille à
l'assèchement des marais destinés à
libérer des terres pour les colons. Il fera ce travail
pendant plusieurs années, tout en entreprenant des
études par correspondance qui feront de lui, des
années plus tard, un électronicien de haut
niveau, inventeur des antennes qui assurent les liaisons radio en
Israël.
C'est donc dans une période de tristesse et d'angoisse pour
tous les juifs du monde que Rika voit le jour. La vie est dure pour la
famille Gozman, mais Shula la maman est une femme énergique
qui sait surmonter son drame personnel pour mener de main de
maître sa maisonnée. Si l'argent manque, on ne
manque jamais de nourriture et, pour le reste on fait avec...
Frustrée de n'avoir pu terminer ses études,
madame Gozman est
d'une grande exigence envers ses enfants en ce qui
concerne le travail scolaire: elle veut non seulement qu'ils
réussissent, mais qu'ils soient les meilleurs. Et comme il
est indispensable pour elle de savoir jouer d'un instrument de musique,
c'est pour cela que, dès sept ans, Rika prit des cours de
piano au conservatoire de Jérusalem. Ainsi drivée
par l'énergie de sa mère, Rika, tout en
poursuivant de brillantes études, décroche,
à quinze ans, le premier prix de piano au conservatoire de
Jérusalem.
A dix-sept ans, comme toutes les sabras, Rika part effectuer son
service militaire qui durait, à l'époque, deux
ans et
demi. Ses qualités de musicienne la font nommer directrice
musicale du groupe artistique de l'armée du centre. Et,
lorsque
l'armée décide de monter une comédie
musicale,"Cinq sur cinq", qui raconte les amours contrariées
de
deux jeunes soldats, on la choisit comme
répétitrice
musicale. Israël étant un petit pays où
vies civiles
et militaires sont mêlées, la comédie
musicale, qui
tournait dans tous les centres militaires du pays, est
bientôt
connue de tous. Les chansons écrites par un certain Johann
Zaraï devinrent d'immenses succès. Voyant le
triomphe
remporté par ces airs que tout le monde fredonnait,
l'armée envisagea de produire la pièce dans le
civil et
prit contact avec le directeur d'un des plus importants
théâtres de Jérusalem. Le jour de
l'audition la
chanteuse qui tenait le rôle principal,une jeune militaire,
était en mission et ne pouvait se produire. Il fallait lui
trouver une remplaçante au pied levé. Puisque
Rika
était musicienne et qu'elle connaissait toutes les chansons
pour
les avoir fait répéter, ses camarades de troupe
lui
demandèrent de tenir le rôle. Le
directeur conquis
par sa voix et son enthousiasme, dit :"ok, mais à condition
que ce soit elle qui tienne le premier rôle". Voilà comment,
du jour au lendemain et au grand désespoir de sa
mère , le sergent-chef, alors âgée de
dix-neuf ans et promise à une carrière de
virtuose classique devint chanteuse de variétés.
Entre temps Rika tomba amoureuse de Johann Zaraï,
l'épousa le 28/07/1953 et le 11
septembre 1957 naquit Yaël, leur fille. Suite au triomphe de
la comédie musicale et après avoir
goûté à l'ivresse du succès
et du contact avec le public, elle décida de continuer dans
cette voie. Avec le répertoire de la pièce,
enrichie de traductions en hébreu de chansons de Trenet,
Gréco, Aznavour et Brassens, elle se produit dans des
cafés-théâtres et se perfectionne dans
son nouveau métier. Des impresarios commencent à
s'intéresser à elle; l'un d'eux, un jour, lui
demande de but en blanc : "aimerais-tu faire l'Olympia à
Paris?". L'Olympia ! A Paris ! Pour une débutante qui chante
depuis deux ans et voue un véritable culte a la chanson
française, c'est le rêve ! Elle répond
oui, bien sur ! "et bien, va voir Bruno Coquatrix de ma part".
Et, sur cette simple recommandation, sa fille Yaël,
encore bébé, dans les bras, avec pour toute
fortune cent dollars et son billet de retour, Rika s'embarque pour
Paris et pour la gloire.
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Le service militaire |
Les débuts en
Israël |
Avec Yaël
bébé |
Elle ne
parle que l'anglais et l'hébreu. Arrivée en
France, elle s'aperçoit que l'anglais qu'elle croyait
universellement parlé, ne l'est pas dans ce pays. Elle
rencontre alors des difficultés pour franchir les barrages
de secrétaires qui protègent le directeur de
l'Olympia, mais à force d'obstination, elle obtient un
rendez-vous avec Bruno Coquatrix, intrigué par son
insistance. Elle lui chante son répertoire de chansons en
hébreu et déclare naïvement : "Voila, je
m'appelle Rika Zaraï, j'arrive d'Israël et Monsieur
Untel m'a dit que vous pourriez me prendre dans votre programme".
Devant l'air interloqué de Coquatrix, elle doit se rendre
à l'évidence: elle s'est laissée
abuser par un vantard, mais Coquatrix lui laisse quand même
un espoir en lui déclarant :"Revenez me voir quand vous
chanterez en français...". Rika, qui s'est
séparée de son mari, se retrouve seule dans un
pays étranger dont elle comprend pas la langue, avec un
enfant à nourrir et sans perspective de travail; elle
connaît alors une période de vache maigre, et pour
vivre elle chante dans des boites de strip-tease et aussi dans des
maisons closes en Belgique et en Allemagne. Elle sort un premier disque
aux éditions Acropole de quatre chansons en
hébreu, qui ne connaît guère de
succès. A force de courage et à mesure qu'elle
apprend la langue, les choses s'arrangent: elle décroche de
petits contrats, des tournées en province, elle anime des
fêtes juives; et surtout elle rencontre Eddie Barclay qui va
la signer sous le label "bel air", une filiale de la firme Barclay
où elle restera jusqu'en 1965. Bruno Coquatrix,
fidèle à sa parole, l'engagera en levé
de rideau du spectacle de Jacques Brel qui lui dédicacera
d'ailleurs son premier 25 cm. Elle y fera aussi connaissance d'un des
musiciens de Brel, il s'appelle Jean-Pierre Magnier, ils ne se
quitteront plus. Jean-Pierre, abandonnant sa carrière de
musicien, deviendra plus tard son plus proche collaborateur, puis son
producteur et enfin son mari. Les portes du succès sont
désormais entrouvertes pour elle, ses chansons : "Hava
naguila", "L'olivier"; "Exodus", "Tournez manèges";
"Michaël" et deux chansons qu'écrit pour elle
Charles Aznavour "Et pourtant" et "Le temps" marchent bien. Elle fait
des galas, des télévisions, est
demandée dans toute l'Europe. A partir de 1965 elle signe
chez Philips, mais malgré de très belles chansons
comme "Prague", "Jérusalem en or", "Un beau jour je
partirai", il faudra attendre jusqu'en 1969 pour que Rika connaisse
alors son premier gros tube avec le célèbre
"Casatchok" suivi de "Alors je chante" qui consacre Rika vedette
féminine de l'année 1969. Le succès
est enfin là, mais le destin ne semble pas l'entendre ainsi,
et le 09 novembre 1969, en revenant d'un gala dans l'est de la France,
Rika et son mari sont victimes d'un très grave accident de
la route. Le bilan est catastrophique: après six jours de
coma, les médecins déclarent qu'elle ne pourra
plus marcher! Mais Rika ne réalise pas encore la
gravité de la situation...Pourtant, petit à
petit, aux regards apitoyés de ceux qui l'aiment, ou des
personnes qui la soignent ainsi que dans les réponses
évasives de Bruno Coquatrix lorsqu'elle veut fixer un date
pour un prochain Olympia, la réalité lui
apparaît. Elle sombre dans la terreur et une nuit la
tentation l'effleure d'en finir avec la vie : Quel avenir pour une
chanteuse en fauteuil roulant ? Et Yaël, et Jean-pierre,
comment le supporteront-ils ?. Mais Rika est une battante qui n'a
jamais accepté l'échec. Elle décide de
se lancer dans la bagarre, de toutes ses forces, une fois de plus,
envers et contre tous: "Je ne capitulerai pas. Je n'abandonnerai
jamais. Je ne serai pas infirme". Elle s'accroche
à l'idée se son prochain spectacle comme
à une planche de salut. Comme à la guerre, tous
les moyens sont bons pour gagner et, puisque la médecine
classique ne peut aider son corps à se recalcifier, elle
fait appel à un de ses amis, Raymond Dextreit, adepte de la
médecine naturelle... En cachette du personnel soignant de
l'hôpital Rika commença le traitement à
base de plantes et surtout de cataplasmes d'argile qui devait l'aider
à guérir, et, au bout d'un mois et demi, les
examens révèlent enfin qu'elle commence
à calcifier. Six semaines plus tard, elle peut rentrer chez
elle, toujours immobilisée dans une coquille de
plâtre, mais avec l'espoir de l'échanger
bientôt contre un corset qui lui permettra de se
déplacer. Le spectre de la paralysie semble
écarté.